Changement d'affectation sans autorisation préalable du bailleur et nullité du bail professionnel
Le contrat litigieux, intitulé "bail professionnel", porte sur des locaux d'habitation à usage d'office notarial. En application de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation, dans les communes définies à l'article 10-7 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948, les locaux à usage d'habitation ne peuvent être ni affectés à un autre usage ni transformés et il ne peut être dérogé à ces interdictions que par autorisation administrative préalable et motivée, après avis du maire. Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation de ces dispositions. Le contrat de bail, reportant sur les preneurs l'obligation légale de demander les autorisations administratives préalables nécessaires au changement d'affectation, qui sont accordées à titre personnel, alors que l'autorisation administrative exigée par la loi aurait dû être obtenue par le propriétaire, préalablement à la signature du bail, doit être annulé, comme conclu en violation des dispositions précitées.
La renonciation au bénéfice de dispositions légales doit être expresse et ne se présume pas. Il ne peut se déduire de la seule qualité de notaire du locataire que celui-ci avait connaissance de l'obligation qui pesait sur le propriétaire d'obtenir, préalablement à la signature du bail, l'autorisation administrative exigée par la loi, et qu'il a renoncé, en connaissance de cause, à se prévaloir de la nullité dudit bail conclu en violation des dispositions de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation.
En tout état de cause, cette méconnaissance de la réglementation applicable doit être également reprochée au propriétaire, qui en sa qualité de notaire, et au surplus de bailleur, ne pouvait encore moins ignorer les obligations qui étaient les siennes. En l'espèce que, ni le versement des loyers par les locataires pendant plusieurs années, sans réserve ni contestation, ni la jouissance qu'ils ont eu des locaux aux conditions du bail jusqu'à son échéance, et même au-delà, ne constituent des actes non équivoques d'une renonciation de leur part en connaissance de cause à se prévaloir de la nullité dudit bail, ni aux conséquences d'une telle nullité.
Dans le cas où un contrat nul a été exécuté, les parties doivent être remises dans l'état où elles se trouvaient avant cette exécution et, lorsque cette remise en état se révèle impossible, la partie qui a bénéficié d'une prestation qu'elle ne peut restituer, comme la jouissance d'un bien loué, doit s'acquitter du prix correspondant à cette prestation. La nullité du bail implique donc l'obligation pour le bailleur de restituer les loyers qu'il a perçus au titre de la convention locative, de même que l'obligation pour les preneurs de payer une indemnité d'occupation représentative de la valeur locative des lieux occupés au titre de la présence de l'office notarial dans les lieux, et jusqu'à son départ effectif.
Le notaire doit, au titre de son devoir de conseil, assurer à la fois la validité et l'efficacité des actes qu'il reçoit. En recevant un acte contenant une clause illicite, entraînant sa nullité, le notaire instrumentaire a failli à son obligation de conseil, la connaissance par le bailleur, lors de la signature de l'acte, de la nécessité d'obtenir au préalable l'autorisation de changement d'affectation des locaux, que le notaire ne démontre pas en l'espèce, ne pouvant le dispenser de son devoir d'information et de conseil. Il y a lieu, en conséquence, de condamner le notaire instrumentaire, à relever et garantir le bailleur de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, dont principalement la condamnation à restituer aux locataires les sommes versées à titre de loyers en exécution du bail qui résulte directement de la nullité du contrat de bail consécutive à la faute du notaire, ainsi que les condamnations prononcées au titre des dépens et des frais irrépétibles.
CA Paris, pôle 4, ch. 3, 12 janv. 2017, n° 1517010 JurisData n° 2017-000356